Compte-rendu de la séance
du 4 février 2004
Bilan du « grand débat sur l’école »
Présents : Lambert
Dousson, Marc Le Monnier, Gaël Tijou, Denis Sigal, Marion Mas,
Christophe Angebault, Diane Huyez (rapporteur)
I/ Comment rendre compte
du débat ?
Marc Le Monnier rappelle la présentation des débats
sur internet. Les synthèses des établissements sont
en ligne mais sous forme anonyme (on peut cependant en repérer
la provenance en en lisant le détail). Les questions choisies
sont souvent les mêmes et reflètent les préoccupations
locales : violence et incivilités dans les établissements
à problèmes, orientation post-bac dans les lycées,
etc..
La diffusion de ces résumés, traces des réflexions
menées au sein des établissements, apparaît aux
présents comme un fait positif même si d’évidence,
la synthèse globale en sera difficile et sans doute imparfaite
(Marion Mas rappelle que les synthèses seront traitées
informatiquement par un système de mots-clefs). Certes, les
membres de la commission sont majoritairement de droite mais on ne
peut guère s’en plaindre, une grande partie de la gauche
ayant refusé de participer au débat.
L’Observatoire de l’éducation doit-il tenter de
dépouiller les différentes synthèses pour en
faire un compte rendu ? On s’accorde sur la confiance en l’objectivité
de la synthèse des débats . En revanche il faudra veiller
au projet de loi qui devrait être proposé en juillet.
II/ Présentation
des différents débats et discussion
Chacun présente
la façon dont le débat s’est déroulé
dans son établissement et les conclusions qui ont été
dégagées. Les discussions qui suivent s’appuient
sur une brève présentation des questions choisies et
des conclusions proposées au sein des établissements
(un lycée général et 4 collèges avec des
modes de participation très différents), où les
questions abordées ont été les suivantes :
1 : Quelles sont les valeurs de l’école républicaine
et comment faire en sorte que la société les reconnaisse
?
5 : Quel socle commun de connaissances, de compétences et de
règles de comportement les élèves doivent-ils
prioritairement maîtriser au terme de chaque étape de
la scolarité obligatoire ?
8 : Comment motiver et faire travailler efficacement les élèves
? (abordée par 4 établissements sur 5)
11 : Comment préparer et organiser l’entrée dans
le supérieur ?
12 : Comment les parents et les partenaires extérieurs de l’école
peuvent-ils favoriser la réussite scolaire des élèves
?
15 : Comment lutter efficacement contre la violence et les incivilités
?
16 : Quelles relations établir entre les membres de la communauté
éducative_ en particulier entre parents et professeurs et entre
professeurs et élèves ?
17 : Comment améliorer la qualité de vie des élèves
à l’école ?
20 : Comment l’école doit-elle utiliser au mieux les
moyens dont elle dispose ?
22 : Comment former, recruter, évaluer les enseignants et mieux
organiser leur carrière ?
1er débat (Montargis)
Les valeurs de l’école
évoquées lors du débat au lycée de Montargis
sont l’autorité et l’universalité des savoirs
; l’égalité des chances ; la laïcité
; la liberté de l’individu. Les participants étaient
favorables à un texte clair pour l’interdiction de tout
signe visible (politique, religieux ou d’appartenance à
une communauté).
Discussion.
L’idée selon laquelle l’enseignement des langues
et cultures d’origine peut favoriser l’intégration
mais ne doit en aucun cas être un moyen d’échapper
à la mixité sociale ou à d’autres contraintes
est débattue lors de la réunion : l’enseignement
de l’arabe peut-il exacerber les communautarismes ? Ces cours
seraient-ils destinés uniquement aux élèves d’origine
maghrébine ? Ces cours supposeraient une politique volontariste,
en contradiction avec la politique actuelle qui réduit les
quotas horaires (particulièrement pour l’enseignement
des langues). Il ne faut pas non plus tomber dans la démagogie,
installer de tels cours là où la communauté maghrébine
est la plus représentée, car cela aurait des effets
contre-productifs. Il faudrait plutôt procéder par phases
d’expérimentation dans des endroits neutres.
Ces restrictions étant posées, on peut espérer
de tels cours qu’ils soient à la fois un moyen de se
sortir d’une représentation fantasmée des origines
et de donner une valeur positive à l’arabe : l’arabe
(langue et civilisation) peut s’apprendre au même titre
que l’anglais, de surcroît comme une langue classique
non morte. L’arabe serait ainsi présenté comme
une culture universelle qui n’est pas en contradiction avec
la république, etcesse d’être synonyme d’argot
ou de communauté. L’idée que le monde arabe (avec
l’arabe classique) est une civilisation regroupant plusieurs
cultures [Cf. la distinction établie par D. Kambouchner dans
son article sur « La culture » (in Denis Kambouchner,
« La culture », dans Notions de philosophie III, Paris,
1995), et notre discussion lors de la séance du 8 janvier 2003.]
(algérienne, marocaine…) avec une histoire, des histoires
même, court-circuiterait les fantasmes d’origine et d’identité
des élèves ne connaissant pas leur histoire, et permettrait
de dépasser l’antinomie universalisme républicain
/multiculturalisme relativiste et communautariste. On peut se souvenir
de la différence établie dans la Cité des poètes
entre communautés et communautarisme. Il s’agissait de
partir des cultures et de faire des liens entre elles pour monter
leurs similarités afin de construire un nouvel universel sans
nier les différences culturelles. Enfin, on pourrait ajouter
une valeur « professionnelle », par rapport aux échanges
économiques entre la France et le monde arabe.
2ème et 3ème
débat (Nanterre et Aubervilliers)
Le débat dans le premier établissement a posé
la question du lien entre enseignement et éducation. La citoyenneté
ne doit pas uniquement être abordée par le cours d’éducation
civique. La nécessité d’un lien entre les adultes
chargés de transmettre ces valeurs (et le regret de son absence)
est exprimée par les participants, y compris l’infirmière
scolaire, ses deux stagiaires, et le médecin scolaire. La difficulté
d’une évaluation du système éducatif est
souligné par tous.
Les propositions faites à l’issue du 3ème débat
(mené à Aubervilliers) sont les suivantes : harmoniser
les règles d’autorité dans les équipes
enseignantes et revaloriser le rôle du professeur principal,
ne pas faire passer les informations par les élèves
et expliquer aux parents comment créer les conditions favorables
à la réussite scolaire (? aider son enfant à
faire ses devoirs). Il faut créer des liens et de la confiance
entre parents et école.
Discussion.
Lors de la réunion, nous sommes revenus sur la nécessaire
coopération des institutions. Le cours d’éducation
civique donne des notions de droit civique, mais, pas plus que la
civilité, la citoyenneté ne peut-être un simple
contenu d’enseignement. Doit-elle du reste constituer la finalité
de l’école ? On a de plus l’impression d’un
clivage entre la famille et l’école : chacun semble se
rejeter la tâche sans envisager une complémentarité
d’actions. De plus l’éducation semble réduite
à la discipline. La difficulté d’une coopération
entre les institutions est réelle. Ouvrir l’école
comme le propose D.Kambouchner pour en faire un lieu de rencontre
est une solution possible. La réflexion d’un parent qui
parle de l’école comme la « 2ème maison
» de son enfant est à retenir car elle tend à
effacer l’opposition souvent déplorée entre l’école
et les parents.
4ème et 5ème
débat
Dans un collège ZEP à Evreux, la question des rythmes
scolaires a été abordée. Des propositions sont
émises : renforcer le tissu associatif autour de l’école,
privilégier une formation des enseignants sur le terrain, mettre
en place des passerelles entre les différentes formations pour
s’adapter au projet personnel de l’élève.
Dans un collège situé dans une zone résidentielle
en Essonne, les questions de pédagogie sont privilégiées
: une distinction est faite entre savoirs et savoir-faire. L’école
actuelle semble privilégier ces derniers en raison des besoins
du monde professionnel. Certains participants évoquent la nécessité
de « dépoussiérer » le savoir pour le rendre
plus attrayant pour les élèves. Pour d’autres,
l’école doit rester un lieu « préservé
» de la violence du monde du travail et être un lieu d’épanouissement
personnel pour l’enfant. Des professeurs expriment la nécessité
de préparer les enfants à la société :
être libre et épanoui suppose de disposer d’un
savoir solide.
Discussion
On retrouve dans ces débats la doxa éducative actuelle
qui prône l’autonomie et la construction d’un projet
professionnel, supposé seul capable de motiver l’élève.
Mais l’autonomie des élèves n’existe pas
réellement et du reste peut-on parler d’autonomie quand
cet état est une contrainte imposée par les adultes
? L’autonomie n’est-elle pas plutôt une forme violente
d’abandon comme pourrait le faire penser l’exemple d’une
mère convoquée par un prof parce que sa fille ne travaille
plus et qui répond que sa fille de 14 ans est autonome et responsable
de ses actes ?. L’injonction d’autonomie fait de la société
une juxtaposition d’individus qui se débrouillent dans
une logique du « chacun pour soi ». L’autonomie
semble donc faire partie des termes à redéfinir. Pour
exister, la liberté de choisir ne doit-elle pas se confronter
à une autorité ?
En ce qui concerne la multiplication des passerelles dans les voies
professionnelles, on se demande si elles sont souhaitables. Ne risque-t-on
pas de brouiller les pistes, d’empêcher un choix de se
fixer en prenant pour prétexte la crainte de fermer l’avenir
d’un jeune ?