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Compte-rendu de la séance du 10 décembre 2003.
 

Version relue et corrigée par Sophie Ernst. 


Invitée :Sophie Ernst, philosophe, chargée de mission à l’I.N.R.P.

Présents :Claudie Bassi, Hélène Merlin-Kajman, Soumiya Abbassi, Marion Mas, Christophe Angebault, Julie Puertas, Ivan Gros, Elodie Prévot, Françoise Chaplais, Dominique Pelegrin, Anne Creissels, Lucie Delaporte, Emmanuel Etienne, Daniel Biswanger, Julian Boal, Charlotte Taïeb, Séverine Chauvel, Diane Huyez, Denis Sigal, Lambert Dousson (rapporteur), Marc Le Monnier. 

Hélène Merlin-Kajman : Sophie Ernst, vous êtes chargée d’études au département de philosophie de l’éducation de l’INRP. Je vous ai entendue parler de la question du voile au colloque qui a eu lieu début septembre sur la crise de la culture scolaire, et votre réflexion, votre expérience, m’ont parues très importantes pour notre propre réflexion. Il se trouve qu’aujourd’hui, dans la page « Débats » du Monde, est paru un article de Monique Canto-Sperber et de Paul Ricoeur qui démontre de façon, à mon sens, parfaitement convaincante, l’illégitimité d’une loi interdiant le port du voile islamique à l’école (« Une laïcité d’exclusion est le meilleur ennemi de l’égalité »). On peut y lire ces propositions claires : «  La laïcité, c’est l’engagement de garantir à chacun la possibilité de s’émanciper de ses appartenances et de ses origines. L’école peut conduire l’enfant à un tel affranchissement, non l’exiger de lui au départ », et « on n’émancipe pas les personnes contre leur gré en leur demandant de renoncer d’abord à ce qu’elles ont librement choisi. »Cette question de l’émancipation est du reste en débat depuis 1989, les premières affaires de voile…

1. De 1989 à 2003 : les transformations du cadre de pensée. 

Sophie Ernst : Entre 1989, quand l’affaire du foulard a éclaté pour la première fois, et le débat actuel, le cadre idéologique a changé. En 1989, il y avait une grande liberté de débat car face à un phénomène incompréhensible, personne ne parvenait à avoir une position tranchée de façon définitive. Malgré son côté franco-français et l’absence totale de prise de parole des filles concernées dans le discours, les schèmes de réflexion étaient riches. 

Ce n’est pas un hasard si cela s’est produit en 1989 car cette date marque une rupture par rapport à la période précédente, encore structurée par la référence aux grandes utopies socialistes, avec une période intermédiaire de « deuil » qu’on peut faire aller de 82-83 à 89 ( approximativement). Certains mots, qui appartenaient à la langue de bois des années 70 (capitalisme, idéologie dominante…) sont devenus de moins en moins supportables durant les années 80 et ont disparu presque subitement ; à ces termes s’est substituée la valeur montante de la “ République ” qui avait été plutôt marquée à droite, frappée de ringuardise aussi longtemps que la Révolution demeurait, au moins vaguement, quelque chose qu’on projetait dans l’avenir et non dans un passé advenu. Disons qu’il y a un moment où les mêmes qui plaçaient leurs attentes dans la Révolution se sont mis à ne plus compter que sur la République, et l’école, qui était dénoncée comme appareil idéologique d’Etat, est devenue l’Institution clé de la République, sacralisée comme telle. L’affaire du foulard a révélé une grande difficulté à penser les contradictions de cette période confuse de tête-à-queue politico-idéologique. 

Le 11 septembre n’avait pas encore eu lieu et l’islamisme était peu voyant. A noter que la thématique « féministe » aujourd’hui dominante, le foulard comme marquage de la domination des femmes, était très minoritaire, quasi absente des débats. Tandis qu’aujourd’hui, le débat est focalisé sur la soumission des femmes, l’idée qu’elle est orchestrée par l’islamisme et le sentiment que le conflit des civilisations s’est installé au cœur de l’école. 

L’affaire des foulards a eu pour contexte et pour condition, également, une autre grande transformation caractéristique de la période. Cette évolution idéologique vers les valeurs-refuges de la République et des Droits de l’homme s’est caractérisée, entre autres choses, par une revalorisation du droit, dont on a énormément attendu, certainement plus que ce qu’il peut ; cette revalorisation, certes indispensable après la période précédente de mépris et de méconnaissance, a donné lieu à une nouvelle utopie de totale régulation par le droit et une demande de droit tous azimuts. Dans l’école cela s’est marqué par la volonté de rendre l’espace scolaire homogène juridiquement à l’espace, disons, des droits de l’homme : et l’on a eu ainsi la prolifération des « contrats » dans l’école, à la place des règlements. 

Une remarque peut prendre place ici. Le droit aujourd’hui n’est plus fait par des juristes, mais par des administratifs, qui, n’ayant pas la haute compétence érudite et technique du juriste professionnel, comptable de de la cohérence et de la hiérarchie du droit, font proliférer des textes ( il est fréquent de constater que les administrations finissent par garder secrets ces textes démultipliés à cause des contradictions qui en résultent !). Or, du point de vue de l’histoire récente du droit, l’affaire du foulard a donné lieu à un précédent très remarquable, connu comme tel par les juristes. Car c’était la première fois que le juridique s’immisçait dans une affaire de règlement scolaire, qu’on lui demandait expréssément de réguler une affaire de règlement interne à l’établissement scolaire. Tout se passe comme si nous nous étions mis à exiger une totale conformité au droit ici et maintenant de tous les espaces sociaux. D’où une cascade de problèmes qui n’existaient pas quand l’administration pouvait tranquillement, sans abus dramatique mais non sans arbitraire, et pourtant en toute légitimité, énoncer tranquillement des règles de fonctionnement qui n’avaient pas à répondre de leur parfaite cohérence principielle devant les Droits de l’Homme.

D’où cet effort de retour-amont sur les principes du droit qu’a opéré le Conseil d’Etat. A mes yeux, et parce que j’ai été amenée à le faire fonctionner, pragmatiquement, l’Arrêt actuel du Conseil d’Etat suffit à la situation. Il oblige à analyser chaque situation dans sa singularité et pourvu qu’on s’en donne les moyens, il pemet tout à fait de juger dans quel cas de figure on se trouve. Il est en accord avec les sources du droit les plus fondamentales car il ménage la compatibilité entre les libertés garanties par la constitution et l’égalité. 

Il faut en effet revenir à la définition de la laïcité : elle protège la liberté, elle protège un jeune de l’emprise d’un adulte. Le problème que pose le signe religieux ne vient donc pas du signe religieux en lui-même, mais de l’emprise que quelqu’un peut avoir sur quelqu’un d’autre. Donc dans le cadre actuel, on est très ferme avec le fonctionnaires, afin que son appartenance ou son identification à tel ou tel groupe n’induise ni favoritisme ni persuasion (ou dissuasion) : c’est la question de la neutralité. Concernant le professeur, l’autorité doit exclure son instrumentalisation au service d’une idéologie. Ce n’est donc pas tellement une question de signe, mais de position de soi comme enseignant, par rapport à l’influence ou l’emprise que l’on peut exercer sur les élèves. L’autorité doit être neutre pour ne pas être aliénante. Cela suppose non seulement une obligation juridique de neutralité, mais aussi une maîtrise de soi vécue de l’intérieur par le fonctionnaire – donc une éducation et une déontologie, qui permette une constante retenue et la capacité d’une réflexion sur soi-même. Le signe « ostensible » renvoie à un système invisible de relation où l’enseignant, parce qu’il est responsable de l’émancipation d’autrui, se doit de ne pas l’influencer au delà de certaines limites.

A côté de la laïcité, il y avait quelque chose de moins fondamental, qui était l’ordre scolaire tel que défini par les différents degrés de normativité qu’énonçaient les circulaires ministérielles, règlements internes, bien moins solennels que des lois. Toutes ces normes coexistaient sous forme d’un règlement scolaire, incontesté et incontestable, et que personne n’aurait eu l’idée de mesurer aux droits de l’homme (interdiction des pantalons et du maquillage pour les filles, des chewins-gums, sanctions en cas de retard, lavage des mains, motifs de dispense de gymnastique etc…) que le professeur appliquait avec souplesse aux cas particuliers. L’histoire du foulard ne serait jamais arrivée dans une situation gérée par ce genre de règlement, qui ferait hurler les adolescents d’aujourd’hui. En gros avant les années 60, les règlements étaient durs et l’application souple, puis les règlements sont tombés en déshérence là où il y aurait eu le plus besoin de normes.

En 89, Lionel Jospin a créé un précédent : au lieu de simplement ajouter un règlement, il en a appelé à une consultation juridique qui aille aux sources du droit ( c’est là le rôle du Conseil d’Etat).

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation très paradoxale, du fait de la rencontre de ces trois évolutions : 1/ une demande de normes parfaites cohérentes avec les droits de l’homme 2/ au niveau de l’application, un faible voire inexistant soutien del’administration, qui démissionne là où les normes sont le plus fragilisées 3/ un appel à la seule autorité « naturelle » du professeur. Dispositif inverse de celui qui existait du temps où le règlement était incontestable ( l’avant 68, en gros).

Ma position initiale par rapport au foulard ( une interdiction de type réglementaire : on interdit les foulards, les kippas, les casquettes, et j’étais également pour, sinon un retour aux blouses, du moins une forte limitation des marques onéreuses de vêtements, chaussures, accessoires) partait d’une réflexion sur la nécessité d’un cadre général : il me semblait plus rassurant et plus efficace d’avoir un interdit général réglementaire, et une application souple. Et pas seulement pour le foulard, mais aussi pour toutes les normes dont l’établissement a besoin pour fonctionner harmonieusement. Mais aujourd’hui, on veut l’application rigide d’une loi rigide. Et l’on focalise cette affaire sur les filles elles-mêmes, alors qu’elle symbolise une crise profonde de l’éducation et de la société. 

Hélène Merlin-Kajman : C’est que nous nous sentons démunis par rapport à l’autorité, et nous attendons que la loi décide pour nous. Le foulard condense tout notre désarroi face à l’illisibilité générale des comportements : on se dit qu’au moins le foulard, on peut le nommer, le circonscrire, comme si lui au moins était un signe clair et univoque, si bien qu’il nous paraît simple en somme d’affirmer univoquement son refus. Qu’en pensez-vous ? 

Sophie Ernst : Oui, c’est tout à fait juste. Et le malheur c’est que, de l’autre côté, le port du foulard aussi condense tout un autre désarroi ! On se sent agressé par ces filles qui portent le voile, et on y répond par une agressivité qu’elles interprètent comme un refus de l’Islam et des Maghrébins. Car elles ne comprennent pas que le voile nous renvoie à certaines choses de notre histoire : notre rapport à institution, la difficulté que nous avons à nous repérer politiquement, l’histoire de l’émancipation des femmes en France et des luttes anticléricales : il faut quand même se souvenir que nos grands-parents pouvaient traverser la rue pour ne pas croiser une bonne soeur. La laïcité de combat propre à la France, cette laïcité qui ne déteste pas moins la calotte que les imans, leur est inconnue. 

2. “ Le foulard ne se réduit pas à une affaire religieuse ”.

Claudie Bassi : Il y a des associations musulmanes qui s’opposent au port du voile. 

Sophie Ernst : Certes. Et bien des gens qui s’opposent à cette loi ne sont pas favorables non plus au port du voile… mais on peut être en désaccord avec la tonalité de la campagne anti-voile. Ce qui s’entend beaucoup dans les associations musulmanes laïques, dans les associations franco-magrebines de toutes sortes de tendances, parfois franchement anti-religieuses, c’est le sentiment d’un malaise identitaire, l’impression que la société française rejette en bloc l’Islam, et toute la culture qui en procède. Personnellement, je pense aussi que la campagne actuelle amalgame toutes sortes de milieux et de sensibilité, dont une fraction qui est plus ou moins consciemment xénophobe et qui trouve là une façon noble d’exprimer un sentiment de rejet qui était mal vu. 

D’un côté, le foulard ne se réduit pas à une affaire religieuse, car beaucoup de maghrébins sont désislamisés, tout comme beaucoup de Juifs sont déjudaïcisés, et pourtant l’attaque contre le foulard est vécue par eux sur le mode d’un problème identitaire… 

De l’autre côté, il y aussi le retour en force d’une laïcité de combat anticléricale, qui révèle notre attitude à l’égard de la religion, à mon avis une attitude de non-croyants superstitieux, pas complètements détachés, pas assez laïques, pas assez sereins. Quand on parle avec ces filles – et c’est ce qu’elles attendent, parce qu’elles vivent surtout la violence des regards qui s’arrêtent au voile –, elles disent qu’elles ont vécu une évolution religieuse. Et ce discours nous choque : c’est un rapport au religieux qu’on n’arrive ni à gérer, ni à croire, ni à supporter. Le non-religieux a tendance à surinterpréter le religieux, n’y voir que de l’aliénation. Il y a une incompréhension très intolérante – en contradiction avec le climat de tolérance obligée suscité par les droits de l’homme – de ce que peut être une vie éclairée par la religion. Le rapport moderne aux religions est malsain, comme ont pu le montrer les arguments avancés contre l’enseignement du fait religieux : comme si l’on éprouvait la peur d’être contaminé par le nom de Dieu, comme si l’on risquait de se mettre à croire sans le vouloir ! Il y a un rapport anxieux à la laïcité. 

Dominique Pelegrin : Beaucoup de femmes très pratiquantes ne sont pas voilées. Le foulard n’est-il pas aussi l’expression d’une réaffirmation ? 

Sophie Ernst : Le voile exprime en effet un besoin de se réaffirmer dans une identité, pour parler plus précisément, dans une filiation, et de se rassurer. Les milieux musulmans ont vécu de nombreux traumatismes de ruptures : la guerre d’Algérie, la modernisation ratée de l’Algérie, l’immigration dans le pays colonisateur, la désislamisation vécue en France. Cette façon d’en rajouter avec les signes révèle une anxiété par rapport à la religion. A côté de cela, ces filles sont confrontées au malaise actuel de la société française, qu’exprime la crispation sur le voile. 

Charlotte Taïeb : Cette attirance pour la religion n’est-elle pas également liée à une “ crise adolescence ” ? 

Sophie Ernst : Ces filles ont entre 16 et 25 ans, presque toutes issues de la troisième génération d’immigrés, et sont souvent en tension avec leurs parents. Le voile peut témoigner parfois chez elles d’une “ crise mystique ”, et nombreuses sont les jeunes personnes de 14 15 ans, dans tous les milieux et toutes les confessions, à avoir eu de genre d’appel, dont il est très difficile de démêler les composantes. 

Pour ma part je suis sensible à l’expression d’un goût de l’ascèse – elles ont attendu pour savoir si elles étaient prêtes à porter le voile – d’un travail sur soi pour devenir meilleures. L’école ne répond pas à ces aspirations, ou du moins rarement, et la machine scolaire entrave les efforts des enseignants qui ont une haute idée de leur mission de formation humaniste. L’effort sur lequel les profs insistent, et ne peuvent pas ne pas insister, est dirigé en vue de l’examen. Ça ne parle pas beaucoup aux adolescents en général, aux adolescents en crise en particulier, ça leur parle d’autant moins qu’elles ne sont pas dans un parcours de réussite assurée, car ce n’est pas un travail sur soi. La pression de la sélection, les questions d’orientation, l’insertion professionnelle gênent le développement personnel. La religion fait ce que l’école ne fait pas, elle répond à cette aspiration : je ne dis certainement pas qu’elle y répond de la façon souhaitable. Mais si les voiles, de fait, se multiplient, et si les filles disent qu’elles ne sont pas forcées à le porter, c’est bien qu’il doit y avoir une réponse à des besoins ou à des demandes confuséments ressenties par ces jeunes filles. Peut-être est-ce pour ça que nous, en face, le supportons si mal. 

Les filles qui portent le voile font également état d’une pudeur qui manifeste la volonté d’échapper à l’impératif de séduction, que, dès le plus jeune âge et à travers un message de sexuation violente, l’ordinaire de la télévision et des magazines féminins véhicule. A ce titre, la société de consommation est aussi “ aliénante ” que peuvent le dire les féministes pour le voile. 

Tout cela ne signifie évidemment pas qu’il n’y a pas un danger d’intégrisme, mais on ne peut pas séparer cette crise d’identité, la manière maladroite qu’elles ont de symboliser une identité, et le rapport au religieux. 

3. Egalité des sexes et condition féminine. 

Dominique Pelegrin : Prenons l’exemple des filles de Maître Lévy : elles venaient de plusieurs cultures (juive et chrétienne laïques) et elles ont choisi l’Islam. Si leur foi est sincère et si cela avait été une illumination chrétienne, imaginons qu’elles auraient voulu aller au carmel. On leur aurait dit que cela demande un long travail sur soi, des étapes. En tant que laïque et catholique pratiquante, je ne comprends pas pourquoi, du côté des musulmans, il n’existe pas d’instances canalisant l’énergie religieuse et pouvant enrichir la spiritualité des jeunes filles, tout en leur rappelant qu’elles vivent dans un pays laïque. A l’inverse, il y a eu un travail de la religion chrétienne par rapport à la laïcité. De plus, on ne peut ignorer les pressions, qui n’ont rien de religieux, que subissent les filles en banlieue, et quiculpabilisent celles qui veulent vivre “ à la française ”. 

Soumiya Abbassi : Cela me choque de voir que le débat sur le voile n’a explosé que lorsqu’on a rencontré le problème de l’intégrisme. Pourquoi la question n’a-t-elle pas d’abord été posé en terme de condition des femmes, celles qui se battent pour leur émancipation et pour celle des femmes voilées ? Dans le Coran on lit quand même que la femme doit se cacher parce qu’elle tente l’homme. Cela représente une atteinte à la vision moderne de la femme. On met en avant le religieux alors que c’est avant tout un problème d’égalité des sexes. 

Sophie Ernst : Votre argument, qui met en avant la difficulté des femmes musulmanes non-voilées face aux pressions implicites ou explicites provenant des femmes voilées, est le seul argument valable en faveur d’une loi à mon sens. Quand j’étais contre le foulard, c’était d’un point de vue féministe. Mais en 1989 on ne connaissait pas la violence qui s’exerçait contre les filles en banlieue. On commençait à peine à parler du problème des banlieues. 

Soumiya Abbassi : Le débat sur le voile peut être vu sous l’angle d’une trahison de l’idéal républicain, qu’on n’arrive ni à assumer ni à incarner dans un texte théorique ou un simple règlement interdisant le signe. Nous qui sommes non voilées, on a l’air de quoi ? C’est très difficile à assumer par rapport aux gens de notre communauté. 

Sophie Ernst : La loi dont on parle actuellement n’est pas une loi fidèle à la tradition républicaine, bien qu’elle soit vécue sur ce mode. Elle est en fait rupture avec l’histoire de la laïcité. Toutes les fois où la laïcité s’est durcie sur les signes religieux, les problèmes immenses que cela suscitait n’ont pu être réglés que par un retour à la tolérance. La laïcité s’est longtemps accommodée des Témoins de Jehova ou des Juifs religieux qui n’allaient pas le samedi à l’école publique. La religion musulmane est plus soluble encore dans la laïcité. La laïcité de l’école (la neutralité active nécessaire de ses acteurs) ne signifie pas la laïcité de l’écolier, qui conserve sa liberté de conscience. 

Hélène Merlin-Kajman : Pointer du doigt le Coran parce qu’il affirme l’infériorité de la femme, c’est oublier que le christianisme en a fait autant, que l’histoire occidentale chrétienne ne témoigne pas unanimement d’un processus d’égalisation réussie des hommes et des femmes. C’est simplifier les « camps ». De plus, on oublie que nous sommes en devenir toute notre vie. A 14 ans je pensais comme mes parents que les filles maquillées, habillées en mini-jupe, étaient des « putes », et s’ils m’avaient obligée à porter un voile, je l’aurais fait sans discuter et en défendant le geste devant mes copines. Mais lorsque j’ai eu 17 ans, ces filles au parfum de scandale m’avaient convaincues, par le simple contact, que c’étaient elles qui avaient « raison ». Un voile, c’est un signe, et comme tel il peut être investi de façon contradictoire. Rien ne s’oppose même en théorie à ce qu’il puisse s’investir de manière féminine. Le problème est qu’il devient de plus en plus rigide. Mais l’interdire le rigidifiera encore plus, et ne règlera pas l’épineuse question de la différence des sexes et du désir, dont ma génération a pensé de façon bien trop simple qu’il suffisait de le libérer pour que tout « baigne », alors que nous nous trouvons aujourd’hui face à des prescriptions d’hypersexualisation des filles à travers la pub.

Sophie Ernst : Concernant le religieux et l’indignité de la femme, il faut en effet souligner que l’évolution du christianisme, qui mène en fait à la laïcité, a duré plusieurs siècles, au moins depuis la Renaissance. Mais aujourd’hui, on assiste à un phénomène nouveau : l’existence des petites filles elles-mêmes est polarisée par le “ sexy ”, à travers les marques par exemple. Avant les années 70, on n’était pas comme aujourd’hui des femmes en miniature. 

Un jeune homme tunisien quifait ses études en France m’a fait part de son indignation face à cette affaire : il ne comprenait pas la crispation sur le voile au nom de l’égalité des femmes et des hommes et demandait que les Français regardent comment à la télé les femmes sont traitées comme des objets sexuels. 

4. Voile et crise de l’école. 

Séverine Chauvel : La première affaire du foulard coïncide avec le mouvement de judiciarisation de l’école, mais également avec l’autonomisation des établissements à travers la question des projets d’établissement. Y a-t-il eu un déficit du collectif, qui n’a pas suivi cette autonomisation, et qui expliquerait le problème que l’on rencontre actuellement ? 

Sophie Ernst : En effet. Les conflits durs, insolubles, avec le voile – donnant lieu à une médiatisation et une judiciarisation – éclatent dans les établissements où les équipes de direction montrent de nombreuses failles. Il y a eu un ratage dans l’autonomisation, parce qu’on n’avait pas la culture de l’autonomie. Quand les principes sont fermes et les applications souples, quand il y a de la cohérence, les histoires sont bien gérées. Dans les années 80, moins le cadre était cohérent, et plus les profs se crispaient sur les provocations vestimentaires des adolescents ; les profs peuvent parfois réagir très violemment, et les filles se voient néantisées, n’existent plus comme individus. On n’arrête pas de parler d’elles mais on ne les fait pas parler. 

Hélène Merlin-Kajman : Il y a 30 ans, les cadres généraux de l’éducation étaient beaucoup plus cohérents et il semble que, parallèlement, on tolérait l’indiscipline des enfants : une certaine marge de « bêtises », par exemple tirer les sonnettes, mettre des pétards dans une boîte à lettres, faire des blagues. Il fallait que jeunesse se passe. Aujourd’hui, cela s’articule de manière complètement différente : le cadre a disparu, et quand ils ne provoquent pas carrément la complicité des adultes, les mêmes gestes ne sont plus du tout tolérés : le seul imaginaire des gens est d’appeler la gendarmerie. 

Pour revenir à la question de Dominique Pelegrin tout à l’heure concernant la religion de ces filles elle-même, à son authenticité, je ne crois pas que nous ayons à juger du sens d’un geste. La sincérité n’est pas un critère, sans compter qu’on serait même sans critère pour évaluer cette sincérité ou cette authenticité, et que tous les signes, tous les gestes, peuvent devenir l’objet d’une telle suspicion. M. Canto-Sperber et P. Ricoeur écrivent que la laïcité à l’école doit s’affirmer par son “ mode de fonctionnement, et non par des conditions d’entrée ” : cela me paraît situer le débat sur son seul terrain légitime. Il faut du reste souligner à quel point les partisans de l’interdiction font peu confiance au temps propre à l’enseignement, à l’éducation, peu confiance à la discursivité critique. La seule vraie question à mes yeux serait plutôt celle-ci : à quelles conditions quelque chose du comportement d’un élève rend impossible l’enseignement parce que la scène éducative elle-même est comme niée par lui ? Pour moi, il y a peut-être – je dis bien, peut-être - une situation qui nie le fait même de la transmission, c’est lorsqu’une femme a non seulement la tête voilée, mais même le regard (burqa). Je ne sais pas comment l’argumenter, mais, face à l’impossibilité d’échanger des regards, je me demande si les conditions de l’enseignement elles-mêmes ne sont pas ruinées. 

5. Républicanisme et relativisme. 

Ivan Gros : La tolérance supposerait que, quand on voit une femme voilée, on essaye de comprendre. Dans mon établissement, pour le “ Grand débat sur l’école ”, j’ai participé à une réunion sur les relations entre parents et profs. Une mère d’élève était voilée. Personne ne lui a parlé. Je me suis adressé à elle pour savoir ce qu’elle pensait de ce qu’on disait. Elle avait l’air heureuse de cette prise de contact. Son foulard pour moi renvoyait au respect qu’on doit à une dame, un peu comme le chapeau de ma grand-mère. Vous avez dit que le voile ne pose pas de problèmes en lui-même, mais que c’est une question de regard. En Algérie, une femme voilée peut parler sans problème à une femme non voilée. Mais chez les jeunes filles, le sens du signe est différent, car il n’est plus traditionnel, c’est une décision prise à l’adolescence. 1989, c’est aussi la date de l’édiction du Code de la Famille en Algérie : il y a un durcissement de l’Islam depuis les années 1990. Une position relativiste sur ce point me paraît inacceptable. 

Soumiya Abbassi: Cette grande indulgence pour le voile me choque par rapport à l’échec de l’intégration. Pour ma génération, ce sont ceux qui n’ont pas réussi à s’intégrer qui reviennent à la religion. On a peur d’exclure les filles voilées, mais il y a aussi une exclusion des filles non voilées. La société occidentale est charmée et très respectueuse de ces filles voilées. Cette indulgence molle énerve beaucoup d’immigrés de la troisième génération comme moi, qui en ont assez d’entendre parler des “ pauvres jeunes filles voilées ”. Cette indulgence, ce relativisme, me semblent masquer une lâcheté de la République. 

Sophie Ernst : Je ne suis pas « relativiste ». 

Je force du côté de la sympathie parce qu’il y a une réelle violence, majoritaire voire quasi unanime, à l’égard de ces filles voilées. Mon analyse est surtout psychologique et non politique ; elle porte sur l’individu et ses droits. Loi ou pas loi, avec la surmédiatisation à laquelle on vient d’assister, le mal est fait. La loi va légitimer les filles qui ne portent pas le foulard, mais elle conduira à l’exclusion des filles voilées. Il faudra alors au moins aménager des structures d’accueil pour qu’elles ne se sentent pas persécutées. Et là il y aura un problème non seulement psychologique mais aussi politique, parce que, exclues et persécutées, elles peuvent développer une mentalité de martyr qui est dangereuse dans le contexte stratégique, et elles serviront d’alibi à la création d’écoles musulmanes que l’Etat n’aura pas les moyens concrets de contrôler. Je ne suis pas d’accord pour mettre la fermeté là où on l’affirme le plus haut.

Claudie Bassi : Je suis d’accord avec l’idée que la laïcité doit être un mode de fonctionnement et non une condition d’entrée, ce qui fait que je suis contre une loi. Mais tout de même, la laïcité suppose que la pratique de la religion se fasse dans un cadre privé. Cependant, il y a un retour du religieux et surtout des intégrismes. Dans une école de mon quartier, une fille un jour est arrivée voilée. Le lendemain, un élève portait une grosse croix, et le surlendemain, un autre une énorme étoile de David. Si j’avais été prof, je leur aurait dit à tous les trois qu’une telle ostentation était impossible. A l’université de Tolbiac, un enseignant s’est fait interrompre pendant son cours au nom de l’Islam et n’a pu le continuer. Pour ma part, j’enseigne à des adultes. Parmi ceux qui font le Ramadan, certains font la guerre à ceux qui ne le suivent pas : n’est-ce pas du prosélytisme ? D’autres demandent que les conférences s’arrêtent plus tôt pendant le Ramadan, et des juifs qu’il n’y ait pas d’examen le samedi. A l’hôpital, certaines femmes ne veulent pas être soignées par des hommes. Peut-on encore parler d’une société laïque ? Cela renvoie doublement à la crise de l’école et à celle de la société. Il y a un abandon de la laïcité, des valeurs républicaines, et des choix politiques : et de ce point de vue, il faut souligner que les instances dites représentatives ne le sont pas en réalité. Si les établissements rencontrent des problèmes, c’est aussi parce que le Ministère n’assume pas. On a toujours intérêt à réaffirmer les principes, et ces jeunes filles sont certainement capables de les entendre. 

Sophie Ernst : Il ne faut pas opposer « républicanisme » et « relativisme ». D’une façon générale je ne sais pas penser à coup de –ismes, et je ne crois pas que dans une situation aussi confuse, dans un temps de recomposition des idées, faire entrer les positions dans des catégories systématiques, en-isme, soit vraiment éclairant. 

La laïcité est une valeur plus complexe qu’on ne le dit. Or dans le débat actuel, elle est réduite au hurlement d’effroi poussé à la vue d’un voile. Les valeurs de la laïcité et de la République ne doivent pas être considérées comme des fétiches. Il faut les retravailler. On ne pourra pas faire l’économie d’un réapprentissage de la laïcité. Car aujourd’hui on manque réellement d’une culture laïque, comme peuvent le montrer les dérapages militants, antisémites ou pas, de certains profs sur le conflit israélo-palestinien : on croit être juste et on confond enseignement de l’histoire avec de la propagande politique, dans un contexte qui démultiplie les haines. La laïcité dans l’enseignement doit reposer sur la distinction entre ce qui relève du cognitif (la transmission de savoirs déterminables rationnellement, et la discussion raisonnée de ce sur quoi l’on peut réfléchir) et ce qui relève du non-cognitif (l’affirmation de valeurs, d’opinions et de croyances qu’on ne peut que poser). La compréhension de cette distinction est difficile, elle est l’essence même de la modernité, elle suppose justement la totalité de la formation scolaire, l’apprentissage des démarches scientifiques, des méthodes de questionnement rationnels, le maniement de registres discursifs distincts.

Il faut clairement séparer les domaines, notamment les convictions privées de la neutralité publique. Or, c’est devenu quelque chose de plus difficile, moins clairement perçu que ce ne l’était par exemple pour nos grands parents. La morale laïque au début du siècle supposait un individu n’imaginant guère de contester les prérogatives de l’Etat, où l’individu ne pouvait pas avoir de légitimité face aux règles collectives. Marcel Gauchet montre bien dans quelle mesure aujourd’hui la distinction public / privé s’est érodée, il dit que les frontières se sont brouillées, et c’est très juste. 

M-ême pour les enseignants, c’est difficile de trouver où mettre le curseur, il faudrait que les enseignants sachent où ils doivent s’arrêter dans leur parole, parce qu’elle se met à grignoter la liberté de conscience.

C’est très difficile, j’en ai conscience, de retrouver une distinction nette, et de plus cette distinction public/privé ne fonctionne pas avec toutes les religions. Si elle fonctionne bien avec une religion qui intériorise la foi, il y a des religions qui exigent du collectif extériorisé. Dans le Judaïsme, le respect du Sabbat n’est pas quelque chose d’accessoire. En France, la laïcité est normative : elle perçoit les problèmes à travers des schèmes chrétiens d’intériorité et de secret dans la foi. 

L’Arrêt du Conseil d’Etat est en cohérence avec le droit, qui affirme sa fermeté face au prosélytisme. La loi prévoit les cas, non pas où il y a entorse à laïcité, mais à l’ordre public et aux libertés. Si un prof est empêché de faire cours, il y a des lois pour cela. La loi devient dure quand il y a emprise sur autrui. Mais cela exige une vraie fermeté et on se sent tellement fragilisés qu’on n’en est pas capable. 

Hélène Merlin-Kajman : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous : je voudrais simplement rappeler que la distinction public/privé a été reprise du stoïcisme et du droit romain en gros au XVIe-XVIIe siècle, qu’elle a permis de sortir des conflits religieux en faisant précisément de la conviction religieuse une affaire privée, et qu’elle heurtait le corporatisme chrétien. Je ne crois pas qu’aucune religion soit monolithique.

6. Communautarismes et crise du politique.

Marion Mas : Vous avez dit qu’à l’école on n’avait pas le temps de transmettre les valeurs de l’effort sur soi. Or les modèles de société sont en contradiction avec cela ; ainsi les valeurs de mes élèves, c’est les caïds et la télé. Tous, même ceux qui ne sont pas musulmans, peuvent se mettre à jurer sur le Coran. Ça me choque. N’est-ce pas la manifestation d’un désarroi infra politique déporté vers le religieux ? 

Daniel Binswanger : Que fait la France avec ses minorités issues de l’immigration ? C’est le problème, politique, de l’intégration qu’on masque derrière la question de la laïcité et des valeurs républicaines. Le fondamentalisme intégriste réussirait, dîtes-vous, là où la République a échoué : il protègerait les jeunes filles de la sursexualisation générée par le capitalisme et répondrait à leurs interrogations sur le sens de leur existence. Et je ne dis pas que cela soit faux. Mais tout de même, le problème, c’est que cet argument, c’est celui qu’avance T. Ramadan. Mais il faut dire haut et fort que la laïcité tolérante que vous évoquez a échoué – parce qu’elle n’est pas allée jusqu’au bout de ses présupposés, et qu’elle a laissé s’installer l’exclusion. L’islamisation actuelle est une occidentalisation qui n’a rien à voir avec des racines : soit. Si tout cela est un faux combat et une double opération idéologique, pour les islamistes d’un côté, pour le gouvernement de l’autre, alors il faut dégager le problème politique de l’intégration. Avez-vous une solution pour désamorcer tout cela ? 

Sophie Ernst : La situation est très chaotique, et face à ce chaos, que faire ? Les garçons ratent l’école et n’ont pas d’emploi. La classe ouvrière a toujours été extrêmement machiste, mais les solidarités sociales et l’emploi régulaient les choses. La crise sociale entre en contradiction majeure avec la culture patriarcale des Français issus de l’immigration. Les pères sont destitués, non seulement par le chômage, mais surtout par le regard que pose sur eux la société d’accueil qui réduit les immigrés à des victimes. C’est le problème de l’Etat français et de la société française, confrontée à la violence des jeunes qu’on ne sait pas intégrer. Ce que je veux souligner, c’est l’énorme contradiction entre le silence sur les violences sociales et politiques, et l’excitation sur la laïcité et le voile. On saccage la scolarité de quelques filles alors que ce sont les garçons qui posent les plus gros problèmes en classe et dans les quartiers.

Peut-être faut-il accepter lucidement l’idée qu’on n’est pas condamné à l’impuissance, mais que le travail est énorme, pas insurmontable, pas mystérieux. Agir efficacement dans une société complexe, c’est difficile, cela demande une stratégie, une synergie, un effort soutenu dans la durée.

Dominique Pellegrin : Il y a quand même des gens qui ont un projet politique de déstabilisation des institutions. Derrière tout cela se pose la question de la condition féminine et de l’égalité. 

Sophie Ernst : La première des égalités consiste dans la proportionnalité des sanctions aux fautes. Comment justifier une exclusion pour port de voile tandis qu’un garçon qui frappe un prof peut rester impuni ? On ne va pas attaquer le terrorisme international en excluant ces filles. On a tendance à croire avec effroi que toute permission ouvre la porte aux abus. Et inversement, qu’une « affirmation de valeurs » va calmer les violences urbaines…

Soumiya Abassi: l’UOIF (l’Union des Organisations Islamiques de France) est l’interlocuteur principal du Ministère de l’Intérieur. Or on sait qu’ils sont rigides. On n’écoute pas Boubaker (le Recteur de la Mosquée de Paris). Sarkozy se sert de T. Ramadan en lui faisant face. 

Sophie Ernst : L’Etat a besoin d’interlocuteurs religieux. Mais en cela il communautarise la société pour lui reprocher ensuite son communautarisme. Dès 1984, une sociologue diagnostiquait une “ communautarisation ” à Sarcelles, par la façon dont les politiques géraient l’électorat par clientélisme, pour capter le vote communautaire. 

Il faut aussi réfléchir à la façon dont la question s’articule avec la présence d’un judaïsme devenu plus visible qu’il ne l’était. L’affaire de Creil en 1989 avait commencé avec la contestation de l’absence des élèves juifs lors des fêtes de Rosh Hachanah (le nouvel an) et Kippour par le proviseur, puis, ayant été sur ce point mis en cause, il s’était rabattu sur les filles à foulards, qui ne troublaient pas grand monde jusqu’alors. 

Du reste, les Musulmans sont fascinés par le statut de la minorité juive. Les islamistes musulmans regardent ce qui a été accordé par la République à un communautarisme juif religieux qui a lui aussi augmenté même s’il est très minoritaire ; ils militent et essayent d’en obtenir autant. 

Ce qui est déplaisant dans la période actuelle c’est aussi que tout se fait sous la pression de calculs politiciens qui raisonnent en termes d’image. On s’est dit après le 21 avril qu’une loi de prétendue fermeté laïque permettrait aussi de récupérer des électeurs, en particulier ceux de Le Pen. C’est une affaire de communication, pas d’action. 

Une loi ne fera pas disparaître les forces qui se cachent derrière le voile. Ce que cela produira, en arrachant le foulard par une loi, c’est que ces filles se sentiront humiliées, persécutées, détestées par la République. C’est une erreur grave du point de vue de l’intégration. L’unique argument acceptable contre le voile, c’est celui de l’emprise. Mais cela suppose une vigilance et un effort collectif forts. 

L’Observatoire de l’éducation remercie chaleureusement Sophie Ernst pour cette rencontre.