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Compte rendu de la séance du 20/11/02

Autour du livre de Nathalie Amoudru, Apprentissage d’une identité sociale, 
un parcours diversifié, collection Pratiques et Enjeux Pédagogiques.

Etaient présents : Mélanie Mahele ; Nanou Mahele ; Claire Nazikian ; Gaël Tijou ; Hélène Merlin-Kajman ; Denis Sigal ; Chloé Gaboriaux ; Séverine Chauvel ; Séverine Rousset ; Marc Le Monnier ; Christophe Angebault ; Damien Rémont ; Marion Mas. 

La séance a débuté par un compte rendu d’Hélène Merlin-Kajman sur le livre de Nathalie Amoudru Apprentissage d’une identité sociale, un parcours diversifié, collection Pratiques et Enjeux Pédagogiques.
Le livre est composé de 4 parties :
- 3 parties de description et d’analyse des comportements « désocialisés » des collégiens
- 1 partie qui propose un solution à travers un travail mené en séquences, en français.
Ä Il semble y avoir un décalage – à moins d’un « point aveugle de la lecture » -  entre la description et la solution proposée. Toutefois, la solution proposée (une sorte d’introduction théorique à la pédagogie de contrat) s’articule sur le présupposé sur lequel repose la description, à savoir, l’idée (quasi religieuse) qu’un monde harmonieux est possible.
La série de constats faits par N.A, à partir d’exemple très concrets, tourne autour de l’idée qu’il y a perte du monde commun :
- la catégorie « morale » serait un référent vide pour les élèves.
- Disparition des discours sentencieux c/o les élèves Ä perte de référents et de modèles comme modes de construction de soi ; perte de repères communs. L’individu est donc amené à devenir son propre référent : exemple de la calligraphie « fleurie » qui montre que les élèves se donnent à eux-mêmes leurs propres exigences. Ils se font à la fois juge et partie.
- La mixité est analysée par N.A comme l’1 des formes de la déshérence des modèles d’un part, et comme la cause d’un repli individualiste d’autre part, du fait des rapports difficiles et violents entre les sexes.
- L’absence de monde commun touche aussi les adultes, par un jeu de miroir, qui n’ont plus de critères communs pour juger les anomies (ex de l’élève aux cheveux blonds décolorés, puis bleus).
- Les « valeurs des jeunes » :
*le corps Ä le vêtement qui est à la fois un cocon et un objet défensif.
*les enfants sont très conscients d’avoir des droits – sans pour autant peut être savoir ce qu’implique un droit.
- les manuels scolaires sont conçus comme des objets de consommation alléchants et luxueux.
- Pour N.A, la démotivation (qui se marque à un moindre degré par le refus de sortir ses affaires par ex) est un « signe de l’absence », qui est bien plus grave que le chahut traditionnel où se dessine en creux la reconnaissance de la loi. Elle note aussi la disparition de la figure traditionnelle du cancre – Hélène a rappelé qu’il y avait c/o Meirieu un « romantisme du cancre », interprétation qui n’a aucune prise sur le problème de l’échec scolaire.
- L’architecture des établissements scolaires récemment construits, avec ses baies vitrées et ses couloirs sinueux est l’un des « signes faibles » de l’école. Car ce qui préside à la construction des écoles est désormais le confort. L’école affiche ses lieux de détente et imite l’espace domestique (fauteuils, distributeurs de boissons etc.) ; elle se donne comme un lieu d’écoute (structures d’accueil des parents, idée que connaître la situation familiale des élèves est indispensable pour les profs). Ainsi, elle ne se signale plus dans sa fonction spécifique.
- N.A, pour expliquer la perte de monde commun, met très fugitivement en cause le rôle de la T.V, des parents, de l’école elle-même, mais sans proposer de solution, comme s’il y avait un refus de l’analyse causale. Il y a en effet dans ce livre très peu de discours sur les causes ( cf. 4ème de couverture) ; circularité des causes. Par ex : échec scolaire engendre la violence qui engendre l’échec.
Solution proposée – dont le moyen est la pédagogie de contrat :
Montrer aux enfants que la société est bonne pour eux afin de les en convaincre. Le présupposé de ceci est que les enfants ne savent pas qu’ils font partie de la société ; il suffit donc de leur faire miroiter les avantages de la « socialisation » pour qu’ils y adhèrent et changent de comportement. 
- cette « solution » est sous tendue par le modèle religieux de la conversion.
- Le critère retenu, dans cette proposition, reste l’individu (« ce qui est bon pour l’élève »).
- La solution proposée consiste à former un consensus (sur les bienfaits de la société) pour répondre à un situation d’urgence : tout conflit politique est mis à l’écart.
- Danger d’un solution qui propose la soumission à ce qui n’est pas reconnu comme un menace politique (la société telle qu’elle est proposée comme horizon). Comment en effet l’observation d’un société qui a conduit les enfants à être ce qu’ils sont pourrait-elle être un ressource ?
- L’analyse de N.A est exactement à l’opposé de celle d’H. Arendt. Pour N.A en effet, le monde commun est l’avenir des enfants, alors que pour H.A, le monde commun précède les enfants, et c’est justement cette antériorité du monde commun, qui, demandant un attitude conservatrice de la part des adultes, permet de préserver et de faire germer le potentiel révolutionnaire des enfants. 
Ä Hélène : malgré tout, dans un situation d’urgence, la pédagogie de contrat ne peut-elle pas être un bricolage qui permette de réparer un peu ? Il faudrait par ailleurs réfléchir – dans les rapports peut-être – à cette notion de « socialisation » ; cf. La doxa éducative des années 80 où la crèche est considérée comme un vertu car elle permet un socialisation précoce (or, c’est justement la génération d’écoliers décrite par N.A).

Discussion :

Chloé Gaboriaux : pense, au contraire de N.A, que les élèves ont des catégories morales, au moins celle de bien et de mal. Anecdote de l’animatrice portant croix, main de Fatima et étoile de David, qui s’est fait huer et a suscité des invectives antisémites pendant son intervention lors de la semaine du Maroc organisée par le collège.
Ä un absence de réaction choquante de la part des adultes
Ä les élèves ont des catégories morales et attendent beaucoup des adultes qu’ils leur donnent des cadres de pensée et du vocabulaire.
Ä il n’y a pas de « génération gap» et pas d’absence de catégories morales c/o les élèves.
Christophe Angebault : avec l’exemple de Chloé – l’organisation d’un semaine du Maroc par le collège – et la phrase extraordinaire de N.A « Il semble qu’à cet âge là [environ 12 ans], la socialisation passe d’abord essentiellement par la famille », on a l’impression que le but assigné à l’école est de rendre l’enfant à la famille. Que va-t-il apprendre ?
Hélène Merlin-Kajman : idée répandue chez les parents comme chez les profs que l’élève est renvoyé à un horde irresponsable (les parents pour les profs et vice versa).
Chloé Gaboriaux : Ce n’est pas si simple, on peut faire un typologie des parents :
- ceux qui sont absents
- ceux qui sont présents mais en plein désarroi et qui font confiance au prof
- les parents délégués qui sont là essentiellement pour protéger leur enfant.
Hélène Merlin-Kajman : les parents perdent du pouvoir dans l’aire domestique qui se voit envahie par l’espace public (avec la télévision le portable, la radio, internet). La pression sociale rend difficile de préserver l’espace domestique – et notamment la chambre des enfants – du dehors. La séparation espace public/domestique est rendue floue (à l’inverse, l’espace public est envahi par le privé Ä les téléphones portables).
Séverine Rousset : La perte des repères provoquée par l’indistinction espace public / privé est encore accrue par le contact potentiel de l’individu avec le monde entier, ce qui donne réellement l’impression de n’avoir aucune prise sur l’extérieur.
Marion Mas : la phrase de N.A qui dit que « les 3 logiques institutionnelles de l’école » sont « domestique, civique, professionnalisante » nous montre comment l’école se pense elle-même et est à cet égard intéressante.
N.A dit que la perte de repères communs conduit les élèves à se s’instituer eux-mêmes juge et partie. Or, les profs sont formés à cette école : les IUFM sont en même tps juge et partie dans l’évaluation du prof stagiaire, ce qui est problématique...
Pour N.A, le rôle de l’école est de « socialiser » les élèves en leur montrant que la société est bonne pour eux. A l’inverse, l’école se voit charger d’accueillir des enfants « désocialisés », dont les comportements sont parfois tellement impossibles pour l’école que cette dernière ne trouve plus comme solution que de les exclure. Ainsi, non seulement il y a échec de la « resocialisation » mais aussi aporie. De plus, du point de vue de l’école, c’est la société qui est responsable de cet échec, et du point de vue de la société, c’est l’école. Autour de la q° de la « resocialisation » - cas limite de la socialisation dont parle N.A – et de son envers, l’exclusion, se pose la q° du rôle de l’école et des relations école / société. Car si le rôle de l’école est de socialiser voire de « resocialiser », elle est comme un éponge, un zone tampon pour la société.
Séverine Chauvel : il y a un consensus sur la violence et un masse d’élèves déscolarisés dont on se demande que faire.
Damien Rémont : le violence se passerait paradoxalement plus facilement à l’école qu’ailleurs. 
Les enfants qui posent le plus de problèmes perçoivent très bien l’inquiétude à la fois des parents et des profs, dès lors, comment faire un contrat ?
Hélène Merlin-Kajman : si l’on arrive à la conclusion radicale qu’il n’y a plus de monde commun, il faut bien se rassembler et contractualiser.
Chloé Gaboriaux : Il y a 2 lectures de l’école obligatoire pour les masses :
- soit son but est d’en faire des consommateurs et des travailleurs
- soit son but est d’intégrer les élèves à la cité (surtout pour les élèves faibles), c’est à dire, à un société plus vaste que leur quotidien ; c’est la lecture républicaine et démocrate.
Le contrat : pose le problème de l’autorité en démocratie. Rousseau propose un solution intéressante :
Pour un enfant jeune, il est difficile de dissocier l’institution de la personne qui la représente : il ne saura pas distinguer d’où vient l’autorité et intégrera l’arbitraire. IL deviendra alors soit servile, soit révolté. Pour résoudre ce problème, Rousseau propose de faire un contrat (=/= du Contrat Social) : l’enfant obéit immédiatement à l’ordre de l’adulte (parce que l’adulte incarne un autorité institutionnelle et non arbitraire), à condition que l’adulte puisse toujours expliquer a posteriori pourquoi il a donné tel ordre, telle règle.
Denis Sigal : la peur des exclusions serait due à un culpabilité sociale de la part des enseignants.
Marc Le Monnier : Avec le terme de « socialisation » N.A se s’oppose complètement à A.H. Aux Etats Unis, la pédagogie de « l’éducation du citoyen » est l’apanage des conservateurs. L’idée qu’il faut arracher l’enfant à sa barbarie pour l’intégrer dans un société bonne relève du conservatisme politique. N.A, malgré elle ?, s’inscrit dans cette mouvance. Elle serait pour moins de savoir (puisque l’idée essentielle est celle de la socialisation) et plus d’éducation. Avec l’idée de socialisation, on enlève toujours plus l’idée de savoir et celle de culture.
Séverine Rousset : la q° de la citoyenneté (telle qu’elle est formulée dans les programmes d’éducation civique) est un discours brutal qui se substitue à la réelle formation du citoyen libre par le savoir et la culture.
Hélène Merlin-Kajman : les exclusions sont un aporie. L’échec est d’en arriver à devoir trouver des solutions institutionnelles pour ce type d’enfants (type maisons de correction). Mais dans la situation d’urgence dans laquelle nous sommes, il semble difficile de faire l’économie de ce type de structures. L’échec vient aussi de ce que nous somme très en retard : il y a 15 ans au moins que les problèmes se profilent et qu’il n’y a aucune réflexion sérieuse sur les concepts de civilité et d’autorité.
Marc Le Monnier : Robert Misrahi, un philosophe, dit que le problème de la philosophie au lycée – et par extension, celui des disciplines « secondaires » selon les filières – n’est pas tant le quota horaire que les coefficients dérisoires dont elle est affectée.
Christophe Angebault : le problème de l’exclusion provoque un culpabilité chez les enseignants car ils ont l’idée que mettre l’élève hors de l’école est le mettre hors de la société ; il faut « sauver les enfants ». Il y a un vision communautaire de l’école et un impossibilité de penser un modèle de société hors de l’école.
Séverine Chauvel : Il existe 2 visages de l’exclusion : l’exclusion punition et l’exclusion rachat. Le ministère travaille en ce moment sur « l’exclusion-inclusion » Ä un exclusion à l’intérieur du collège, où l’élève a des travaux d’intérêt public à accomplir et est privé de récréation et de cantine.
Hélène Merlin-Kajman : on réinvente un gamme de punitions qui ont existé et ont été supprimées
Chloé Gaboriaux : ce qui est aberrant, c’est que la gradation dans les punitions ne se fait pas selon la gravité des fautes, mais suivant un chronologie.
Hélène Merlin-Kajman : le manque de moyen pour punir vient de la désuétude de la nécessité de punir. Face à des problèmes fréquents et graves, on se focalise sur l’exclusion et on oublie toute un gamme d’autres punitions.