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Compte rendu du 6 novembre 2002

Tour de table sur la notion de « monde commun » d’Hannah Arendt. 

Damien Rémont : Comment remplir le monde commun ? Son expérience au collège et à la fac lui donne le sentiment qu’il n’existe pas. Les relations entre chaque individu sont mal définies : par ex., dans son travail chaque prise de rendez-vous pose problème. Il est perçu comme un collaborateur parce qu’il n’y a pas de différence d’âge entre lui et ses étudiants. Un entretien d’un mémoire se passe comme une négociation et non pas comme des avis écoutés et admis. Dans la vie de tous les jours, on ne peut pas demander à qqn d’éteindre son portable sans être agressé en retour. Donc, Damien est très pessimiste sur la possibilité d’existence du monde commun.
Chloé Gaboriaux : Problème de ceux qui prônent leur différence comme seule valeur car elle est fondée théoriquement dans la déclaration des droits de l’homme ( exemple des élèves qui revendiquent leur point de vue en le justifiant par le fait d’être en démocratie). Chloé souhaite, lors de la table ronde prévue en janvier, convoquer d’autres penseurs, comme Hobbes, pour renforcer notre argumentation car Hannah Arendt  lui semble un penseur minoritaire au sens qu’elle est peu ou pas lue. Il lui semble qu’il n’y a pas d’existence réelle du monde commun car ce n’est qu’un cadre théorique. Il vaudrait mieux restaurer une société dans le style de la IIIème République. 
Séverine Chauvel : Son métier de professeur lui prouve l’absence d’un cadre commun. Nous sommes livrés à nous-mêmes pour créer ce cadre. Les réponses des IUFM aux interrogations des enseignants ne font que renforcer l’idée qu’ il y a une séparation entre les professeurs et les élèves. Par conséquent, la question reste la suivante : comment établir le monde commun? 
Hélène Merlin-Kajman : Vision moins pessimiste car si on peut se rencontrer sans « s’ étriper » c’est qu’il y a encore du monde commun, ou alors le monde commun n ‘existe pas et la société fonctionne grâce à une gestion des corps ( ex. télévision ). Hélène insiste sur le fait que le texte d’Arendt est éminemment contestable car le monde commun n’a jamais existé de fait. Il faut être conscient que les domaines public/privé sont toujours mouvants et que le monde commun, si on considère qu’il existe, est traversé de contradictions. Pourtant la question reste la suivante : comment se fait-il que cela fonctionne ?  Arendt indique en tout cas que plus on accorde d’ importance à son monde intérieur et plus le monde extérieur perd de la réalité. On rencontre dans la rue de plus en plus de folie. Si chacun pense avoir le droit de manifester à autrui son désir et son besoin comme devant être immédiatement accepté alors on ne peut pas avoir de monde commun. 
Marion Mas : Le monde commun est-il de droit ou en fait ? Dans les lieux publics, comme par exemple dans un musée, il est étonnant de voir comment les gens s’accaparent une ouvre. On ne partage pas mais on cherche à posséder ( désolé mais je n’ai pas noté la suite ) 
Marc Le Monnier (rédacteur du CR) : Expérience personnelle en arrivant à Paris de voir qu’il y a une violence extérieure, au quotidien, très importante et pourtant cela fonctionne effectivement. Il me semble pour que l’individu puisse réussir collectivement, réaliser un monde commun, c’est-à-dire qu’il puisse par exemple revendiquer politiquement des désaccords et ou son souhait de changer des choses, ses formes doivent passer par une notion de civilité, de respect de l’autre, qui passe certainement par le partage d’une langue commune, avec des règles strictes et sans forme d’affectivité. 
Caroline Guidon : Le monde commun est difficile à appréhender car cela est lié à la perte de sens commun qu’Arendt souligne dans son livre. Contrairement à Chloé, Caroline ne croit pas à la revendication à la différence chez les élèves mais plutôt à un certain conformisme au sein de leur groupe. On pourrait dire qu’il y a plutôt des valeurs communes à certains groupes. 
Emmanuel Chanial : Un certain de nombre de règles sont encore possibles. Mais le problème est qu’il y a une multiplication des mondes possibles. On peut par exemple voir les conséquences du libéralisme sur l’Etat qu’il faut « décongestionner ». A l’université, volonté actuellement de laisser des décisions à des centres multiples. Quelles vont être les conséquences de la décentralisation ? S’affirmer de droite aujourd’hui c’est faire plus confiance aux individus qu’aux institutions. 
Christophe Angebault : En rapport avec la notion de corps constitués, comment chacun peut trouver sa posture ou son assiette ? Christophe évoque trois exemples : se faire appeler « monsieur le professeur » peut être étonnant ou dérangeant ; une lettre, envoyée au ministère évoquant le problème de la double peine, est faite sans les formes de politesse convenues ; pour les élèves, le titre « le professeur » a disparu. Christophe conclut sur ce point : on n’assume plus sa position si dans le regard de l’autre il n’y a plus la reconnaissance du signe. 
Séverine Rousset : Le monde commun est une notion ouverte, pas constituée comme un bloc. Trois points lui semblent essentiels pour fonder ce monde commun : les valeurs partagées par une communauté ; les règles du vivre ensemble ; le savoir qu’une société produit elle-même pour assurer sa continuité, ce qu’on pourrait appeler le « capital culturel » d’une société.